Marathon des Sables 2019, J-1 – Coach Magazine France

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Une semaine durant, vivez au jour le jour la course de Patrick Guérinet, rédacteur en chef de Coach Magazine, embarqué sur « la course la plus dure du monde », le Marathon Des Sables, 227 km en 6 étapes en plein désert marocain en auto-suffisance alimentaire.

Jour du puzzle

Un long long voyage

Le Marathon des Sables, MDS pour les initiés, est une épreuve qui se mérite. 3 heures d’attente à l’aéroport de Paris ce vendredi 5 avril, 3 heures de vol jusqu’à Ouarzazate par vol spécial affrété pour l’occasion, 3 heures pour passer la douane (4 mecs pour 400 concurrents, forcément, ça bouchonne), 6 heures de bus pour rejoindre la région d’Erfoud, aux portes du désert, 2 heures d’attente dans le bus pour débarquer au campement, et encore 2 heures pour que la tente berbère du petit groupe de 6 personnes avec lesquelles je vais cohabiter 6 jours durant soit montée. Verdict : il est 1h30 du matin lorsque, transis de froid au milieu du désert – un comble -, nous déroulons enfin nos duvets pour nous coucher tout habillés, en plein vent – une tente berbère ne ferme pas, une tente berbère montée à l’arrache en pleine nuit encore moins.

Premiers rayons de soleil sur le village du MDS

Autant dire que j’accueille les premiers rayons de soleil du samedi matin avec une joie non dissimulée. Dans la tente, les visages sont fatigués : tout le monde a eu froid, et réajuste sa stratégie vestimentaire pour la course à venir. Pantalon ? Doudoune ? Les deux ? Car ce J-1 est une étape importante, même si on ne court pas : après les vérifications administratives d’usage (passeport, certificat médical, électrocardiogramme OK), viendra le moment de la vérification du sac à dos et de la remise à l’organisation de tous les autres bagages et accessoires. Autrement dit, l’heure de choisir définitivement ce que l’on va trimballer dans les sacs pendant les 6 prochains jours, en essayant au maximum de limiter le poids, ennemi numéro 1 du concurrent, sachant qu’on n’aura strictement aucune possibilité de recourir à une aide extérieure, sous peine d’élimination. Perso, y’a pas photo : vu le froid ressenti la nuit précédente, j’opte pour une doudoune (ultralight, certes, mais 200 gr quand même) et un pantalon, minimum vital à mes yeux pour ne pas mourir congelé au milieu des dunes. En étalant sur le sol l’ensemble de ce que je dois emporter (14 000 Kcal sous forme de nourriture lyophilisée, barres, gels et autres fruits secs pour les 6 jours de nourriture, matériel obligatoire allant de la pompe aspivenin à la boussole, la frontale ou encore le couteau à lame métal, vêtements de rechange, matériel de nuit), je suis saisi d’effroi. Là où mes camarades de tente, trailers confirmés, affichent des sacs à 7 kilos, ma « maison d’escargot », rangée comme un puzzle de 1000 pièces, flirte avec les 10, hors pleins d’eau. Sans rien de réellement superflu. Mais sans expérience de ce type d’aventure, difficile de se priver volontairement de choses qui pourraient me faire cruellement défaut. Je partirai donc « chargé à bloc ».

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L’attente dans les tentes

900 concurrents venus de 51 pays se retrouvant au milieu du désert, avec près de 600 personnes bossant pour l’organisation, ça fait un paquet de monde à loger et à nourrir jusqu’au départ. Le campement MDS est une sacrée machine que Patrick Bauer, l’organisateur, a eu le temps de roder jusqu’à cette 34ème édition, en prenant soin de conserver au maximum l’esprit d’aventure et la convivialité de l’épreuve. Les novices, dont je fais partie, découvrent ainsi un immense village de tentes berbères noires agencées en différents cercles, 112 au total, qui seront démontées chaque matin pour être réinstallées quelques heures plus tard au second lieu de bivouac, et ainsi de suite durant les 6 étapes de cette longue procession. A 300 mètres de là, un autre village de tentes, blanches celles-là, accueille l’ensemble du staff, dont les fameux Doc Trotter, une équipe de plus de 50 personnes dédiées aux soins des participants, et spécialistes bien entendu des soins des pieds. Car entre sable, chaleur, frottements et kilomètres, ce sont les points les plus faibles des futurs aventuriers du désert. Au milieu, à mi-chemin des deux campements, trône l’immense tente cuisine et ses deux annexes réfectoires, qui serviront à nous délivrer nos derniers repas avant le grand saut. Enfin, tout autour, des « cabanes WC » permettent de gérer cet aspect peu glamour mais bien réel de l’épreuve, dont il faut souligner qu’elle ne génère aucun déchet laissé sur place après son passage. Une vraie prouesse.

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Au menu de la semaine

Premier raid désertique au monde, le Marathon des Sables fait chaque année parcourir entre 220 et 250 km à environ un millier de concurrents, le tout en 5 étapes chronométrées plus une courte étape de solidarité le dernier jour, sur des distances quotidiennes comprises entre 30 et 90 kilomètres pour la « longue » étalée sur 2 jours. Le roadbook, remis le soir du premier jour durant le transfert en bus, a donné le ton : ce millésime 2019 fera 226,5 kilomètres, avec une « longue » de 76 seulement, mais des difficultés copieuses, dont en particulier un tronçon de 13 kilomètres de dunes dès le second jour qui fait sourciller les plus aguerris. « Les dunes, c’est 2 ou 3 km à l’heure, deux pas en avant, un pas en arrière, épuisant », me glisse un habitué. « Nous coller ça dès le deuxième jour, c’est vache. Surtout qu’on y passera vers 11h-midi, aux heures les plus chaudes, quand le sable est bien mou. » J’imprime l’info, mais ne peux plus faire machine arrière. Et puis avant d’attaquer les dunes de la seconde étape, il faudra déjà avaler les 32 kilomètres de la première. Et je sens bien que dans cette aventure, je vais me la jouer « jour après jour », sans trop me poser de questions. Il sera toujours temps d’interroger les Dieux sur ma présence sous ces cieux lorsque je serai planté au milieu du bac à sable, par 40° sans l’ombre d’une… ombre à l’horizon, non ?

A suivre…

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