Marathon des Sables, JOUR 2 – Coach Magazine France

0
200

© D.R

Une semaine durant, vivez au jour le jour la course de Patrick Guérinet, rédacteur en chef de Coach Magazine, embarqué sur « la course la plus dure du monde », 227 km en 6 étapes en plein désert marocain en auto-suffisance alimentaire. Aujourd’hui, la seconde étape, sable sable sable.

© D.R

Premier juge de paix

Lundi, 5 heures du matin, jour de punition. En moins, d’une heure, les Marocains chargés de l’organisation des bivouacs ont replié les 114 tentes des concurrents, nous laissant tous sur nos tapis de sol, matos en vrac, encore tout endormis. Peu à peu, je m’anime, sors de mon duvet, prépare mon petit-déjeuner (muesli lyophilisé) et commence à réfléchir à la journée qui nous attend. Non seulement nous aurons ces fameux 13 kilomètres de dunes de la traversée de l’Erg Chebbi, le plus grand et haut massif de dunes de tout le Sahara marocain, mais il faut aussi que j’ajuste mon équipement, car le soleil a déjà brûlé le dessus de mes cuisses, et mes pieds présentent deux ampoules pas trop dérangeantes pour l’instant, mais qui pourraient vite le devenir. Concernant les blessures, pas grand chose à faire, si ce n’est percer, laisser sécher et entourer de pansements. Concernant les cuisses, j’attrape un de mes pantalons ultra-légers que je transforme en 2 coups d’Opinel en bermuda. Pas très élégant, feu Karl Lagerfeld n’aurait pas validé, mais à la guerre comme à la guerre. Le temps file à une vitesse supersonique et à 8h15, Patrick Bauer, fondateur du Marathon des Sables, rameute les troupes sur la ligne de départ pour le briefing du jour. Et la mauvaise nouvelle qui va avec : non seulement il y a 13 kilomètres de traversée des dunes de l’Erg Chebbi après le premier Check Point, au km 13, mais avant, dès le 6ème kilomètre, commencent les premières petites dunes, tout aussi éprouvantes. 13 + 7, pas besoin d’avoir fait Maths Sup pour comprendre que c’est 20 bornes de sable qui nous attendent, avec une température annoncée de 35 à 40 degrés et un vent fort, qui heureusement nous rafraîchira mais, comme tout traitre qui se respecte, nous déshydratera sans que nous nous en apercevions. Mission du jour : boire, boire et encore boire…

Au pied du monstre

© D.R

Après qu’ait retenti le « Highway to Hell » de rigueur, le peloton s’étire, moins dynamique que la veille. Ou alors est-ce moi ? Toujours est-il que dès les premiers kilomètres, je sens que la journée va être longue, très longue. Avec une barrière horaire à l’arrivée fixée à 19h30, je ne suis pas inquiet sur ma capacité à rallier l’arrivée dans les temps, mais dans quel état. Dès le départ, mon pied gauche, celui aux 2 ampoules, m’envoie des messages non subliminaux : « Je vais te faire mal aujourd’hui. » Quelques kilomètres plus loin, le droit s’y met aussi. Je visualise à travers la chaussure le lieu du crime : une ampoule est en train de se former sous l’ongle d’un de mes orteils. Et ça, c’est pas bon du tout du tout. Mais qu’importe, je serre les dents, avale les 13 premiers kilomètres et les dunettes en 2 heures (oui, je sais, très moyen) et arrive en vue du Check Point situé au pied de l’énorme massif dunaire. Magnifique. Et d’apercevoir, après le PC, une file indienne de concurrents formant un long serpent dirigé vers… l’enfer. Flippant.

Naufragés des sables

© D.R

Autant le dire tout de suite, si je suis tout sourire dans le bac à sable, c’est pour la photo. Parce que les 13 bornes séparant le CP 1 du CP2 seront pour moi un véritable chemin de croix. Des appuis pourris, du sable fin comme de la farine qui s’infiltre partout, des montées où tout s’effondre sous les pieds, la rando promet d’être longue. Et si je parle de rando, c’est que je suis bien incapable ne serait-ce que de trottiner sur un tel terrain. Il paraît, me dira-t-on à l’arrivée, que les frères El Morabity, les grandissimes favoris, une fois de plus vainqueurs de l’étape, comme hier, ont franchi les 13 km en environ 1h15, soit près de 10 km/h. Mais comment font-ils ? Ils ont les pieds palmés, ces extra-terrestres ? Pour en revenir à ma « performance », on n’est clairement pas sur la même planète : 4 heures pile pour traverser le massif de dunes, soit un formidable 3,2 km/h qui me permet d’hériter du qualificatif de « tortue des sables ». Seule consolation : je ne suis pas le seul. Ça rame devant moi, ça rame derrière moi, c’est la misère à tous les étages. Certains, qui n’en sont pas à leur premier Marathon des Sables, relativisent et prennent leur mal en patience, mais pour des novices comme moi, la pilule a dû mal à passer. Et pas qu’elle d’ailleurs, puisque pendant ces heures de « bac à sable », je me retrouve dans l’incapacité d’avaler quoi que ce soit. La simple idée de manger une barre ou un gel me soulève le cœur. Or la nourriture, c’est le carburant de la bête ; sans elle, pas d’énergie. Inutile de vous faire un dessin, plus j’avance, plus je faiblis, nourri seulement d’eau tiède et de quelques pastilles de sel pour compenser la transpiration.

Délivrance !

C’est l’un des hélicos de course qui vient à mon secours. Non non, je ne monte pas dedans, mais quand je le vois, à 2 ou 3 kilomètres devant moi, en position stationnaire, je devine que le Check Point de sortie du massif de dunes se trouve juste en dessous. Les derniers hectomètres semblent interminables, mais en franchissant le portique de contrôle, je pousse un ouf de soulagement. Comme si l’étape était finie. Après tout, il ne reste plus que 6,5 kilomètres, une paille. Bizarrement, l’organisation nous donne 2 bouteilles d’eau, soit 3 litres, pour finir. Si cela me paraît démesurément trop, 500 mètres plus loin, après avoir franchi un talus pour sortir de l’oued où nous nous trouvions, je comprends : les 6,5 kilomètres, c’est une ligne droite de chez droite en plein milieu d’un champ de cailloux surchauffés, que le vent fort arrive tout juste à rendre supportable. Certains trottinent, j’essaye mais renonce vite, comme la majorité des concurrents de milieu de peloton dont je fais partie aujourd’hui. Et c’est totalement rincé que je franchis la ligne d’arrivée, très longtemps après être parti. J’avais tablé sur 6h30-7h, le chrono affiche plus de 7h30. Quant au thé gentiment offert sur la ligne, il descend dans mon estomac, le visite rapidement, et décide de remonter aussi sec. Tout de suite pris en charge par les médecins (vomir sur une ligne d’arrivée, ça inquiète toujours), je suis pris de deux ou trois autres convulsions « à vide » avant de retrouver mon souffle et regagner ma tente berbère et les collègues pour m’écrouler enfin. Mais pas longtemps, car à peine une demi-heure plus tard, je dois filer à la tente médias pour vous écrire ce récit. Il me restera ensuite à tenter de soigner mes pieds (3 ampoules dignes d’éclairer un stade, c’est officiel, dont la fameuse sous l’ongle que je vais devoir montrer aux médecins pour qu’ils percent l’ongle), préparer mon repas et… DORMIR ! Demain sera un autre jour, avec une étape de 37 kilomètres au menu. Serai-je au départ ? Probablement. Et à l’arrivée ? Mystère.

© D.R

A suivre…