Christophe Hériter: 1er Mr Univers NABBA – Coach Magazine France

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© Michel Toulon

En Novembre 2018, Christophe Héritier est devenu Mr. Univers NABBA lors de la compétition organisée à Birmingham, en Angleterre. En remportant le titre de la National Amateur BodyBuilders’ Association, ce Marseillais de 31 ans a atteint le plus haut sommet de sa catégorie, 10 années seulement après avoir démarré le bodybuilding. Un exploit pour ce Chippendale de profession qui entre ainsi dans l’Histoire en remportant le premier titre Mr. Univers de la catégorie Classic Physique, créé pour le 70e anniversaire de la compétition.

Christophe Hériter: 1er Mr Univers NABBA

Dix années seulement ont suffit à Christophe Héritier pour atteindre les sommets du bodybuilding amateur. Une ascension fulgurante qui démontre que tout est possible lorsqu’on est passionné. Grand blond aux yeux clairs, Christophe Héritier affiche une gueule d’ange apaisante. Aucun trait ne traduit les efforts qu’il fournit quotidiennement pour entretenir son corps. Au contraire, on pourrait croire que tout est facile tant sa décontraction semble naturelle. L’équipe Muscle and Fitness est partie à la rencontre d’un homme qui a fait de son corps un métier (il est chippendale professionnel) et de la musculation son outil et sa passion.

Pourquoi se met-on à la musculation à 20 ans ?

Alors déjà, j’avais encore mes idoles d’enfance dans la tête. Tout petit; j’étais fan des acteurs des années 90, Schwarzenegger, Sylvester Stallone, Jean-Claude Van Damme. Ultra classique quoi. À l’époque on se retrouvait beaucoup en eux ; ils nous faisaient rêver, on reprenait leurs postures, on rêvait de leur courage… On a tous fantasmé sur des physiques musclés, d’abord parce que ce sont eux qui étaient sur les couvertures et à l’écran, et puis parce que, dans la vie de garçons rêvant de superhéros, c’était leurs corps qui devenaient la référence. Moi j’étais complexé, j’avais vingt ans et j’étais mince ; j’avais 20 kilos en dessous de ma taille et j’étais assez gêné par cette minceur, cette maigreur ; je la vivais mal. Quand on est mal dans sa peau on a pas toujours les moyens de trouver une solution. La musculation est apparue comme en étant une. J’ai décidé de me forger physiquement un minimum. Je voulais prendre 10 kilos mais ça ne m’a pas convenu et j’en ai pris bien plus que 10 ; j’en ai pris 40… Mais à la base c’était pour quitter mes 63 kilos et arriver à 73-75, voir ce que ça donnait. Et puis finalement, comme cela ne me convenait pas, j’ai voulu prendre plus et voilà comment on est pris dans un engrenage presque passionnel pour la pratique de la musculation.

Tu rencontres alors Olivier Ripert…

Oui. En 2008 j’ai décidé de m’inscrire dans une salle de sport. La Ripert’s Fitness Factory, à la Ciotat. Je suis venu ici parce que c’était la salle de référence de musculation. C’est là que j’ai rencontré Olivier Ripert. Avec sa femme, ils ont été plusieurs fois champions du monde, Miss Univers pour elle… Ici, il y avait tout pour s’entraîner et ce n’était pas loin de Ceyreste, le village de mon enfance. Ce n’était pas l’une de ces salles de remise en forme où tu es en libre-service sans conseils. J’y suis donc allé pour voir comment cela se passait et ça m’a plu. J’ai commencé ainsi et, très rapidement, je me suis dit que cela faisait presque deux ans finalement que je travaillais à prendre de la masse par moi-même ou en salle, bref, que je m’entraînais, alors pourquoi ne pas faire de la compétition, exhiber mon corps comme un athlète ? En 2010 j’ai alors participé à ma première compétition.

Par véritable esprit de compétition ou par volonté de te montrer ?

Par simple curiosité d’abord et… par esprit de compétition. J’ai toujours eu cet esprit dans tous les sports que je pratiquais. Donc, j’ai voulu mettre les pieds sur scène en 2010, et cette année-là c’est donc Olivier Ripert qui m’a coaché.

Coaché, ça veut dire quoi exactement lorsqu’on débute ?

Eh bien, dans mon cas ça veut dire recommencer, ou plutôt commencer par le commencement. Il m’a fait un petit régime de deux mois pour m’aider à démarrer. Je me souviens qu’il m’a dit : « Écoute je peux t’aider à commencer, donc je te fais une petite diète et tu vois comment tu la ressens, comment ça fonctionne. » Ça commence toujours par un régime et c’est ce que j’ai fait : deux mois de préparation pour poser des bases, se ciseler, travailler les attaches en profondeur ; deux mois qui m’ont mené vers l’entraînement au body. Et après, d’année en année, j’ai enchaîné des compétitions. J’ai commencé par le Ripert’s Body Show en 2010. Ça tombait bien, c’était une compétition d’envergure, et elle était organisée par Olivier, à la Ciotat même. J’avais de la chance car j’ai pu découvrir tous les aspects et les attentes des juges, des organisateurs, de la préparation.

La musculation cela coûte cher, comment fait-on pour la financer, pour en vivre ?

La musculation c’est un sport de riches pratiqué par les pauvres. Les préparations coûtent très cher ! Rien qu’au niveau bouffe ça te coûte un smic. Lorsque j’ai gagné ma première compétition, le Body Show 2012, j’ai gagné aussi le titre du meilleur poseur dans du posing libre. Cela m’a permis de me faire remarquer dans le public et par des producteurs de spectacles. Un jour l’un d’entre eux est venu vers moi et m’a demandé si je serais intéressé de rentrer dans une troupe de Chippendales. C’est ainsi que j’ai pu faire partie d’un groupe qui organise des tournées de spectacles et qui, tout à la fois, me permet de vivre du travail sur mon corps et de justifier aussi que je m’entraîne et continue le bodybuilding.

Pourquoi s’être inscrit dans la catégorie Mr Univers de la NABBA ?

Ah, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain. Pour le coup je n’y pensais pas. Comme je vous le disait tout à l’heure, Olivier organise chaque année avec sa femme Marie-Pierre une compétition internationale NABBA (le Ripert’s Body Show, ndlr). Un jour il est venu me voir pour m’informer que la NABBA créait une nouvelle catégorie qui correspondrait bien à mon physique (il s’agissait du Classic Physique), et que les marges de poids que j’avais me permettraient de rentrer dans cette catégorie. De surcroît, si je remportais la compétition, je deviendrais le premier à avoir eu le titre Mr Univers dans l’histoire de la NABBA. Forcement ça m’a fait réfléchir, parce que s’il y a une chose que tout le monde souhaite au plus profond de soi, c’est laisser une empreinte dans le monde. Que ce soit celui du bodybuilding amateur, Pro, ou dans toute autre activité.

christophe-heritier-7160501 © Michel Toulon

Qu’est-ce qui est différent dans sa préparation lorsqu’on veut participer au titre Mr Univers NABBA ?

Pour moi, c’est de rentrer dans les critères. J’ai droit à +6 kilos ; je sais que lorsque j’arrive en sèche je suis parfois à +7, +8, parfois moins. Donc je vois que c’est dans ma tranche de poids et le poids on le fait tomber pour atteindre sa catégorie pour la compétition, il n’y a pas de soucis là-dessus. Mais après, le plus dur se situe au niveau de mon métier pendant les compétitions car il faut que j’assure lors de mes spectacles tout en suivant mon régime. Parfois, il faut préparer des repas sur trois jours, quand je pars le vendredi et que je reviens le dimanche. Il me faut les préparer en m’assurant que la nourriture ne tourne pas pendant les déplacements et bien calculer car il y a six à sept repas par jour (21 repas sur 3 jours !), donc c’est beaucoup de travail là aussi. Et puis pendant les spectacles, la gestion de la fatigue est compliquée. Si l’on est trop fatigué, on va manger de la viande, or il ne faut pas ; je dois donc avoir un protocole pendant le show pour ne pas en manger et me baser sur des sucres rapides par exemple. Pour résumer, le plus dur pour moi c’est de jongler entre la préparation et mon métier. Ce sont les déplacements pour mes spectacles, souvent les week-ends, lors des périodes de préparation. Heureusement mon travail me laisse trois à quatre jours de libres par semaine pendant lesquels je peux m’entraîner le matin, parfois le soir et bien gérer mes plans. De toute façon il faut bien se mettre dans la tête que le mental et la nutrition représentent 80 % de la préparation. Le physique c’est 20 %.

Comment t’entraînes-tu alors ?

La régularité semble compliquée. Mon entraînement est fonction de mon travail. Lorsque je suis en prépa, logiquement je m’entraîne normalement du lundi au mercredi. Le jeudi, j’essaye de venir en fin d’après-midi. Si je ne peux pas, je m’entraîne alors deux fois par jour. Par exemple, le lundi je ne vais faire, à la limite, que les jambes mais le mardi et le mercredi je ferai deux séances avec des groupes musculaires différents, comme cela je suis tranquille. Je vais pouvoir les faire aussi sur trois jours et avoir quatre jours de repos, mais des jours de repos forcés par rapport à mon travail pendant lequel, finalement, je vais être en déplacement avec toutes les contraintes dont je vous ai parlé. J’arrive à me préparer en suivant cette organisation en fait.

Que pensent tes parents de ton activité-métier ?

Eh bien, au début ils n’étaient pas très chauds, parce qu’il ne voulaient pas que je devienne trop musclé et il me répétaient régulièrement : « T’es bien comme ça. » Après, ils ont vu que c’était un sport où je m’épanouissais, dans lequel je remportais des titres, etc. Ils ont donc évolué, naturellement, et aujourd’hui ils sont fiers de ce que je fais, ils me suivent, assistent à toutes mes compétitions, ça aide. C’est vrai que le bodybuilding est un sport qui est mal aimé, qui suscite la méfiance et surtout dont on ne voit pas les débouchés professionnels. Alors quand votre fils se lance dedans ça ne doit pas être facile à comprendre. Mais lorsque je l’entend pleurer au téléphone et me crier « Tu es Mr Univers, Christophe ; tu l’as mérité, je suis fier de toi ! », eh bien, on se dit qu’on a de la chance d’avoir une famille, des parents, des gens qui vous aiment…

Parce que la musculation impacte la vie sociale aussi, non ?

La vie sociale est compliquée au début, surtout lorsqu’on n’a pas l’habitude, parce qu’on est frustré par la nourriture mesurée et encore plus lorsqu’on vient d’une famille où sa place est importante. Voir les autres faire ce qu’ils veulent c’est compliqué mais il faut savoir se dire que c’est un choix personnel que l’on fait et que personne ne nous y a forcé ; alors la motivation revient et permet de surmonter les difficultés. C’est toi qui a voulu cette situation, ce n’est pas ta mère ou tes amis qui te demandent de faire des compétitions, c’est toi ! Alors il faut prendre sur soi. Après, l’autre partie difficile c’est la gestion de ses humeurs. Elles varient souvent. C’est un gros travail psychologique. Imagine : là où tes amis mangent des pizzas, font des BBQ, toi tu n’as que du quinoa, du riz et du poulet… Ça te tend très vite; tu n’es pas à la fête avec les autres, chez toi ou au resto. Aujourd’hui je sais que j’ai besoin de ce type de carburant parce que c’est la condition pour pratiquer le body. Mais cela ne durera qu’un temps alors il faut se dire que pour le reste, on aura le temps d’en profiter plus tard.

Comment gères-tu cette situation avec ta femme ?

Le problème viendra si la personne avec laquelle on vit ne l’accepte pas. Elle doit comprendre que ce n’est qu’un moment et que c’est le lot de ceux qui font de la compétition. Il faut se dire que ce n’est que quelques mois, que ce n’est pas toute la vie comme cela. Je sais qu’hors-saison j’ai une autre vie qui n’est pas dans le bodybuilding et que je consacre totalement à ma famille. Et l’autre doit penser à ces moments-là.

Quel est ton régime alimentaire ?

Je fais 6 à 7 repas par jour, à peu près toutes les trois heures jusqu’au coucher. 8h, 12h, 15h, 18h, 21h et le dernier à minuit.

Comment s’est organisé l’entraînement pour Mr Univers ?

Cette catégorie est vraiment basée sur la ligne et la sèche. Les entraînements sont donc beaucoup établis sur la combinaison de deux muscles pour vraiment taper dans la sèche : du superset, beaucoup de mouvements à la fois et des répétitions longues, pas surchargées mais longues. Il faut ressortir de l’entraînement fatigué, vidé, pas avec le sourire. Bien sûr, il faut quand même garder du lourd sur certains exercices pour éviter de perdre de la dureté, de la densité musculaire. Par exemple, on peut garder des barres lourdes au début de l’exercice et après finir un peu plus léger et faire des séries plus longues. Il faut aussi penser impérativement à plus travailler ses points faibles. Moi, c’est le bas du dos et les fesses. C’est toujours là que j’ai mes dernières graisses à perdre. Donc je vais travailler plus mes fentes et mes lombaires pour cibler ces parties plus que jamais.

Que conseillerais-tu à une personne qui s’est mise à la musculation pour faire des compétitions ? Il faut prendre un bon coach, d’entrée de jeu ! Aller dans une vraie salle, pas un libre-service sans conseils et faire des entraînements complets. Avant de passer à la compétition il faut avoir déjà du muscle de base bien consolidé, une masse minimum avec une vraie maturité musculaire en étant assidu, apprendre à travailler à la sensation et maîtriser la technique parfaite. Si on ne la maîtrise pas, tout ce qui se fera après ne servira à rien. Pour résumer, ce serait apprendre la connection cerveau muscle. Aujourd’hui beaucoup de personnes se focalisent sur le poids et cherchent à pousser le plus lourd possible sans cibler les sensations. Pourtant c’est comme cela que l’on progresse.

Mais toi, comment as-tu appris la musculation ?

Comme je me suis toujours préparé seul j’ai demandé autour de moi, je me suis renseigné sur les différentes techniques d’entraînement puis je les testais. Si ça m’allait, je les faisais, si ça ne me convenait pas, je ne les faisais pas. C’est important, lorsqu’on est passionné, d’échanger avec les gens. On est loin de tout savoir sur tout même lorsqu’on est dans le haut niveau. Les meilleurs apprennent encore aujourd’hui sur les techniques, la diététique, l’anatomie du corps humain. Moi, cela fait deux ans maintenant que j’ai pris un préparateur pour progresser et en apprendre plus, ne pas me contenter de mes acquis.

Le coach, c’est indispensable ?

Comme je l’expliquais, pendant huit années je me suis préparé quasiment seul, en m’appuyant quand même sur quelques conseils d’Olivier Ripert ou d’autres et puis, il y a deux ans, j’ai pris quelqu’un et j’ai plus appris en diététique et en entraînement. C’est toujours important d’avoir un regard extérieur. On besoin de ça pour savoir où l’on en est, garder les pieds sur terre et, évidemment, avancer… pour gagner. D’ailleurs, ces deux dernières années en sont la preuve : c’est grâce à elles que j’ai sorti mon plus beau physique et remporté les plus grandes compétitions.

D’autres objectifs désormais, et toujours dans la NABBA ?

Mes prochains objectifs seront toujours dans la fédération Nabba. Soit je reste dans la catégorie Classic Physique et j’essaye de faire un championnat du monde ou Europe ou, pourquoi pas, je vais tirer dans les lourds.