La catégorie Men's Physique est-elle l'avenir du bodybuilding ? – Coach Magazine France

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La question mérite d’être posée, à l’heure où les bodybuilders se demandent « jusqu’où aller trop loin ? »

La catégorie Men’s Physique est-elle l’avenir du bodybuilding ?

Saviez-vous que, l’an dernier, aux championnats du monde d’athlétisme, juste avant le coup d’envoi de la finale du 100 mètres, on a dit à Usain Bolt : « Votre record du monde est de 9,58 secondes. Si vous courez plus vite que ça, attention, vous serez disqualifié. » ?

Saviez-vous que les instances du baseball ont décidé récemment que toute frappe à plus de 145 km/h serait considérée comme nulle ?

Aviez-vous entendu parler de ces deux incidents ? Non, car ils n’ont jamais eu lieu. Tous les sports suivent la sacro-sainte règle du « plus vite, plus haut, plus fort » édictée par le baron Pierre de Coubertin, créateur des Jeux Olympiques modernes, et destinée à encourager les athlètes à constamment améliorer leurs performances. Une seule discipline sportive s’interroge régulièrement pour savoir s’il faut mettre des limites aux performances humaines et se demande sans fin « jusqu’où aller trop loin ». Nous parlons ici du Bodybuilding.

QUAND « PLUS DEVIENT TROP »

Nous les vieux briscards repensons avec nostalgie à ce que nous nommons l’âge d’or du bodybuilding, dans les années 70. À l’époque, les physiques d’Arnold et de ses acolytes du Gold’s Gym de Venice, Californie, semblaient représenter un idéal esthétique, acceptable et réalisable qui ne faisait pas peur aux enfants. Arnold se souvient toutefois que Martin Eder, qui concourait pour M. Amérique dans les années 50, lui avait dit une fois, au début des années 70 : « Vous allez vraiment trop loin. C’est grotesque. » Ça vous rappelle quelque chose ?

Depuis l’invention du bodybuilding, la question de « jusqu’où aller trop loin » se pose de manière récurrente, tout particulièrement avec la progression du bodybuilding féminin. Dans les années 80, les physiques de Rachel McLish (la première Miss Olympia en 1980, également victorieuse en 1982) et Cory Everson (six fois Miss Olympia de 1984 à 1989) restaient conformes aux standards féminins. En revanche, poussées par leur enthousiasme, leurs sucesseures ont sculpté des physiques ultra musclés qui ont fini par lasser, au point que le concours de Miss Olympia a aujourd’hui disparu.

La même chose s’est produite avec la catégorie bodyfitness, apparue en 2001. Plus les années passaient, plus les concurrentes faisaient monter les enchères, devenant à chaque fois plus massives, plus denses et plus écorchées. De même avec la catégorie bikini, lancée en 2010 au concours Olympia. Les compétitrices avaient de moins en moins de masse grasse (un pré requis en bodybuilding), avec les côtes saillantes, à tel point que certaines ne semblaient pas en très bonne santé le jour du concours.

LA CATÉGORIE PHYSIQUE : L’AVENIR DU BODYBUILDING MASCULIN ?

Donc, cher lecteur, il est temps de faire le point sur l’état actuel de la catégorie physique de la ligue pro IFBB. L’épineuse question « jusqu’où aller trop loin » semble plus que jamais se poser, à l’heure où, dans cette catégorie, les physiques deviennent de plus en plus massifs. Les athlètes qui concouraient dans cette catégorie en 2001 étaient très différents (moins massifs) des concurrents actuels. Aux yeux de beaucoup, ils sont à la limite d’entrer dans la catégorie bodybuilding : en effet de nombreux compétiteurs pèsent actuellement plus lourd que les ex- M. Olympia Frank Zane et Samir Bannout. Alors qu’un physique galbé et élancé semblait à l’origine être le principal critère, nous voyons désormais des compétiteurs qui reçoivent de la part des juges des conseils tels que : « Les muscles du haut du dos devraient être plus massifs » ou « Étoffez-moi ces deltoïdes », des messages tout à fait semblables à ceux qu’entendent les bodybuilders.

Comment ces athlètes peuvent-ils devenir encore plus musclés et massifs tout en restant dans les critères énoncés au moment de la création de la catégorie physique ? Pour être précis, selon les règles officielles de la NPC/IFBB, « Les juges recherchent des concurrents athlétiques affichant un galbe et une symétrie corrects associés à un physique musclé et à une excellente condition physique. Il ne s’agit pas d’un concours de bodybuilding, par conséquent, une masse musculaire excessive devrait entraîner une mauvaise notation. » Pourtant, de plus en plus, à mon avis du moins, il suffirait à beaucoup de compétiteurs de la catégorie physique d’intensifier un peu leur entraînement ou de prendre quelques suppléments pour atteindre un physique de bodybuilder.

Ce qui n’est pas forcément une critique. Pourtant, la question de savoir « jusqu’où aller trop loin » se pose, puisque dans cette catégorie, les concurrents continuent à être toujours plus musclés.

On pourrait observer l’évolution du quadruple vainqueur de la catégorie physique au concours Olympia Jeremy Buendia. Lors de sa quatrième victoire, son physique était beaucoup plus massif qu’en 2014, année de son premier triomphe. Ce qui n’est absolument pas une critique de la progression de Buendia. En réalité, c’est même plutôt le contraire, puisqu’il respecte la règle du « Plus vite, plus haut, plus fort » comme tous les vrais athlètes. L’esprit humain se caractérise par son désir d’explorer sans cesse de nouvelles limites et de voir jusqu’où on peut les repousser. Les compétiteurs de la catégorie physique poursuivent cet objectif.

L’arrivée en 2016 de la catégorie Classic Physique , qui permet aux athlètes de concourir suivant des critères plus « esthétiques » que leurs confrères de la catégorie open n’a pas aidé à clarifier la situation. Toutefois, la catégorie Classic Physique introduite en 2016 impose des limites en termes de taille et de poids. Avons-nous atteint un point de bascule, où se profile un certain niveau de contrainte pour les compétiteurs de la catégorie physique ?

Il est peut-être un peu risqué d’en mettre sa tête à couper. Pourtant, les bodybuilders sont aussi prompts à se livrer à des spéculations qu’à affirmer qu’ils ont été « spoliés. »

Voilà donc où en sont les choses. Alors qu’il y a dix ans, nous n’avions aucune idée de l’impact qu’auraient les catégories physique ou physique classique, à quoi ressemblera le monde du bodybuilding/fitness dans cinq ou dix ans ? La vérité brute, c’est qu’en compétitions professionnelles, la catégorie bodybuilding open perd de son attrait en termes de nombre de spectateurs comme en termes de nombre et de qualité des participants. En outre, il y a eu une baisse radicale des offres de sponsoring.

Pour la catégorie physique, c’est l’inverse. Cela dit, il y aura toujours un public, même s’il est moins nombreux, pour le bodybuilding pro. Il est toutefois possible que les catégories Men’s Physique et Classic Physique rivalisent pour occuper la première place au cours des prochaines années.